SCÈNES - CRITIQUE

Aux racines de Semal

Par Philip Tirard
Mis en ligne le 25/01/2007

Emouvant, drôle et un peu scato, le chanteur roux et fou remonte sa généalogie.

En même temps qu'il nous mitonnait son "Belgian Cabaretje" au Public, Claude Semal avait sur le feu un spectacle autobiographique voire testamentaire. "Enfant de solo" était créé au début de la saison à la Samaritaine - deux productions de l'ASBL La Charge du rhinocéros. Après les confessions de Saint-Augustin et de Rousseau, (re) voici celles de Semal.

L'argument est imparable. Seul en scène, le chanteur-comédien-auteur-interprète présente son propre éloge funèbre, histoire de prévenir les bêtises que pourraient dire les nécrophages médiatiques. A 52 ans, et au vu de nos statistiques actuelles de longévité, l'exercice semble prématuré et ne s'explique que par la mélancolie du clown. Car évidemment, ce faire-part sans avis de décès est tout sauf triste...

Ses ancêtres déjà, au XVIIIe siècle, furent victimes d'une sinistre bavure policière. Cherchant ses racines, l'artiste a trouvé une lignée de fortes têtes, tentées par la musique et les vers, penchant nettement vers le communisme révolutionnaire. L'émotion s'en mêle quand il évoque - et incarne - sa grand-mère ou déplore en chanson la rencontre manquée avec le grand-père ("t'es mort avant que je sois moi").

L'humour commence par une mise à distance et comme son sujet, cette fois, c'est lui, "Enfant de solo" se teinte fortement d'autodérision. Notre part d'enfance rit quand il avoue en langage fleuri qu'il "pète au lit" ou qu'il raconte sa première cuite et le dérèglement digestif qui s'ensuivit. Ce sera le seul reproche qu'on lui fera cette fois : rayon scatologie, il en a mis une forte couche.

Un poète

Il y a tant de gouaille, de tendresse, de blessure et de lucidité dans ces mémoires d'un rebelle (à peine) repenti, tant de candeur espiègle dans ses aveux, qu'il emporte le morceau. Le public reste avec lui, depuis ses débuts dans un atelier de confection, puis comme animateur de l'hebdomadaire "Pour", jusqu'à sa ravageuse "Noble B", anti-Brabançonne fleurant bon le drapeau noir.

Définitivement plus anar et artiste que militant, Semal nous narre cette saga, agrémentée de ses quatre (fois quatre !) vérités, dans un mélange soigneusement dosé de chansons (nouvelles et anciennes) et de textes - mise en scène de Laurence Warin -, sur des montages photos hautement évocateurs de Tanguy Costier. Il faut le voir, véritable Pierrot lunaire, jouer avec l'astre de la nuit comme Charlot avec la mappemonde dans "Le Dictateur" : un poète de la scène.


Bruxelles, Espace Delvaux, jusqu'au 10 février (de 10 à 15 €). Tél. 02.537.01.20 ou 02672 14 39 Web www.chargedurhinoceros.org