ZONE 02 du 28/09 - 04/10/2005

Théâtre épique, poétique et politique... et franchement tordant !
SPLENDEUR ET MORT DE JOAQUIN MURIETA

Par Thomas GHYSSELINCKX

De Pablo Neruda, mise en scène de Diane Broman, de et avec Ivan Fox et Claude Semal.

La Californie présentée dans ce spectacle ne ressemble pas trop à celle chantée par Julien Clerc dans les années '70. Pas trop non plus à celle qui se développe aujourd'hui sous la houlette d'Arnold S. C'est une Californie naissante, couleur "far west", pleine de cow-boys et de chercheurs d'or. Une "Cafilornie", comme dit un personnage de la pièce, qui a tout du miroir aux alouettes. Car c'est également l'époque moins glorieuse des prospecteurs de métal fin qui quittent leur terre natale du sud dans l'espoir de trouver le bon filon et reviennent le plus souvent la queue entre les jambes, s'ils sont toujours en vie.

Joaquin Murieta symbolise la résistance héroïque et tragique de ces gens du sud en quête d'Eldorado dans la partie nordique du globe ne ramassant dans leur tamis que misère et humiliation. Neruda, Prix Nobel de littérature, homme d'Etat chilien et poète jugé plutôt sérieux, surprend franchement avec ce texte déridé. On nage en plein music-hall : il y a de la magie, de la chanson, des marionnettes, du théâtre d'objets, de la poésie... Ce qui pourrait avoir tous les défauts du melting-pot un peu désordonné roule à merveille grâce au talent et à l'engagement des comédiens et à l'intelligence d'une mise en scène et d'une scénographie exemplaires.

Au centre du plateau, un frêle esquif attend la tempête annoncée : il servira de véritable plaque tournante à la construction de l'histoire, ses voiles servant, entre autres, d'écran pour quelques scéances de théâtre d'ombres à marquer d'une pierre blanche. Tout autour, en demi-cercle, sont disposés tous les accessoires qui vont permettre aux deux comédiens d'incarner à eux seuls la vingtaine de personnages qui composent cette épopée. De Joaquin Murieta, le Robin de Bois chilien, aux chanteuses blondes et brunes de cabaret en passant par la femme de Murieta, son complice "Tres Finger", un fonctionnaire des douanes lassé de piller les simples contribuables ou un indien à l'accent wallon, Claude Semal et Ivan Fox passent tous ces caractères avec une habilité magique. Dans ce tourbillon merveilleux, on se sent comme un enfant trépignant de plaisir brut. Pourtant, l'instant d'après, les mots de Neruda peuvent nous toucher au plus profond.
Surtout quand la musique composée pour le spectacle par 3 musiciens issus du groupe Soledad vient renforcer l'émotion.

Après le délire bien orchestré d'Oedipe à la ferme, le brillant duo Claude Semal - Ivan Fox revient donc à la charge pour s'approprier cette ode à la liberté et à la fraternité. Et c'est tout bonnement génial ! Drôle, tendre, poétique, politique et d'une inventivité rare.

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Splendeur et Mort de Joachin Murieta,
du 22 septembre au 22 octobre 2005, 20.30 h, Théâtre de la Balsamine, avenue Félix Marchal 1, 1030 Bruxelles, 02/735.64.68, www.balsamine.be