Spectacle -
Au théâtre Le Public, « Les chaussettes célibataires »,
de et par Claude Semal

Les paires de la Patrie
CRITIQUE DIDIER STIERS

Dans le journal "Le Soir" du /05/2003 Site : http:/lesoir.be/

Il y a celle qui pendouille, penaude, sur la corde à linge. Celle du chien, à moitié déchiquetée. Ou celle en grosse laine, l'engagée... Et elles ont toutes perdu leur moitié, dissoute par on ne sait quel mystère au fond de la machine à lessiver...

Titre du nouveau spectacle de Claude Semal autant qu'intitulé de son huitième album, « Les chaussettes célibataires » sont ces chansons qui cherchent leur double dans le coeur du public. Des chansons, précise leur auteur, où se retrouvent mes trois thèmes de prédilection : l'humour, l'émotion, la vie sociale et politique. De cette dernière catégorie relèvent deux sujets qui m'ont beaucoup touché ces dernières années : l'affaire Dutroux, avec le combat des parents, et la mort de Semira Adamu. Dans leur version CD, elles sont emballées sous une illustration d'André Stas : deux chaussures glissées l'une dans l'autre. André Stas est un héritier des surréalistes, détaille-t-il. Pourquoi des chaussures, au fait ? Nous sommes arrivés à la conclusion que des chaussettes, ce n'est pas assez poétique. Et les chaussures, c'est beaucoup plus sexué.

Pas de poésie, dans une paire de socquettes ? Que si ! Dans la salle des Voûtes du Public, où avait lieu la première de cette création « mucirqu'ale », dans la foulée de ses précédents travaux reliant chanson et théâtre, le Bruxellois est d'abord monsieur Loyal : Mesdames et messieurs, public adoré... Puis tour à tour dompteur de ténia, animal dressé, clown, prestidigitateur et musicien. Il met en scène, ou plutôt en piste, nos petits travers et nos grandes affaires. Cette Belgique qui préfère angoisser sur la pluie et la canicule plutôt que sur la boue des scandales que crache la bouche des égouts. Ce qui nous vaut une chanson touchante, « Les petites filles » : celles dont la photo se retrouve sur les vitres des bagnoles, et celles que les touristes prennent sur leurs genoux. Ce qui nous vaut aussi un numéro à pleurer de rire parce que le monsieur Météo de la radio (nous tairons son nom par charité) s'en prend plein le pluviomètre pour ses prévisions qui tombent rarement juste.

Ce cirque, c'est le nôtre, oui, et il ne lui faut pas longtemps pour nous en convaincre. D'ailleurs, il est posé au bord de la mer du Nord, celle qui clôt le plat pays de Brel. Et puis, il suffit d'un tour de magie pour tout comprendre. Prenez une chaussette jaune et une noire : c'est la Flandre. Une rouge et une jaune : c'est la Wallonie. Mélangez : voilà le drapeau belge, et une chaussette jaune en trop. Il est là, notre problème communautaire ! Mais le Belge, c'est aussi ce type à l'accent bizarre qui habite un petit, petit, petit pays et qui sait fort bien rire de lui.

Entre coups de gueule, coups de blues et coups d'amour, Claude Semal joue avec les mots sur fond d'accordéon qui, lui aussi, se donne plus d'une couleur. Bal musette, tzigane ou juste mélancolique : sur scène, la complicité avec Eric Bribosia (Mathieu Ha, Venus...) oscille constamment entre gravité et humour.

S'ils ne sont que deux sur les planches (la mise en voix est de Martine Kivits, la scénographie de Ivan Fox), la troupe est plus large sur disque. Un disque sur lequel s'amusent notamment Marc Lelangue, Arnould Massart (Maurane...), Jacques Ivan Duchesne et Michel Derudder (ex-Combo Belge). Ainsi que des chansons qu'on n'entend pas dans le spectacle, tout comme certaines du spectacle ne figurent pas sur le CD.

A 48 ans, dont 30 de carrière, l'auteur des « Odes à ma douche », de « En fanfare » et autre « Music-hall » n'a pas fini de viser juste et d'être sensible. En plus d'avoir fait école : un peu de son art se retrouve ainsi chez un Daniel Hélin, non ? J'arrive à vivre de la scène, avoue-t-il avec un sourire lourd de sens. Et nous ne sommes pas nombreux en Belgique à y réussir. Entre télé, ciné, théâtre, chanson et chronique politique (dans le mensuel belgo-français « Imagine »), on dirait bien que Claude Semal a trouvé son microclimat...·

« Les chaussettes célibataires », jusqu'au 28 juin au théâtre Le Public (relâche dimanches, lundis et les 29, 30 et 31 mai) - 0800/944.44 ou www.theatrelepublic.be.

Album : « Les chaussettes célibataires » (Franc'Amour/Sowarex).

Web : www.claudesemal.com.