D'irréstibles "Chaussettes cébataires" au Public
Par Sarah Colasse
Mis en ligne le 26/05/2003 sur www.lalibre.be

Regards aiguisés de Claude Semal sous le beau ciel gris de notre tendre Belgique.

Toupie au plafond, chaussettes en diapason, Mer du Nord en fond: le cirque de Claude Semal est planté. Il y surgit - trombone à bras - suivi de son acolyte Eric Bribosia à l'accordéon, compagnon de choix, discrètement cocasse.

Et de nous présenter les fameuses chaussettes dépareillées... Il subsiste par exemple l'unique: la "chaussette engagée" ! Traînent çà et là la «petite chaussette», la «chaussette d'amour», la «chaussette ténia» et bien d'autres. Dans les chaussettes couleurs de la Belgique se lisent aussi les soucis communautaires.

«Ces chaussettes orphelines» doublées de quelques numéros de cirque du cru fournissent les prétextes décieusement insolites ouvrant les battants de l'univers de Claude Semal. Infini: tantôt léger («Le Merle»), tantôt poignant («Les Petites filles»), tantôt drôle («Petit»), voire hilarant («Denis Collard»)... À l'écoute de ses paroles, les images de notre Plat Pays courent dans la tête... Avec le sel de sa quinzaine de chansons, il croque ses contemporains et ses racines: «Moi j'habite à Saint Gilles / À deux pas des Marolles / Un village dans la ville / un quartier rock and roll / Entre Liège et Paris / Une réserve de Comanches / Où chaque jour au Parvis / Y a le marché du dimanche.»

Lorsqu'il franchit les frontières, on n'est pas en reste: «Chez José le dimanche y a le syndicat / Le pain le roquefort et la tournée de jaja / chez Chirac on bouffe pour 4000 balles / Tous les jours mais c'est qui c'est qui dalle? / j'aurai vécu pour voir / ça mérite une chanson / Chirac au pouvoir / José Bové en prison.» De cas précis en universel, ces «Chaussettes cébataires» arpentent, mine de rien, l'âme de l'être humain: sa solitude, ses dépendances, les attaches de l'existence, son quotidien car «dans chaque feu il y a tous les feux».

Mis en scènr et en voix par Martine Kivits, c'est un Claude Semal un peu radouci qu'on découvre ici - et, soit dit en passant, fameusement amaigri, on devine la source de sa chanson «Montignac...»! S'il est un chouia moins «rentre-dedans» qu'on a déjà pu le connaître, c'est tout au profit d'un bel équilibre entre poée et satire qu'il préserve subtilement! Mélodies enlevées, passages jubilatoires, complicité constante alimentent un spectacle intimiste, dans la proximité qu'il affectionne. Pas question, ici, de se prendre la tête! Mais ambiance toute sympa, drôle de trouvailles, générosité et simplicité pour dire ce qu'il faut dire...

Bruxelles, Théâtre le Public, jusqu'au 28 juin.
Infos: 0800.944.44.

© La Libre Belgique 2003