Les moineaux

Où sont passés les moineaux
de Prévert de Doisneau
les piafs les mésanges les rouges-gorges
qui bécotaient nos mégots
nos sandwiches nos bécots
et les trous de nos poches
entre les roues des autos

Où sont passés les moineaux
les pipits les pierrots
les bruants des bancs de tonton Georges
qui venaient chauffer leurs plumes
avenue Léon Blum
autour de nos galoches
Où sont passés les moineaux ?

Ont-ils gelé cet hiver
tout nu sur un fil de fer
petits Jésus à la broche
Ou brûlé comme des papillons
dans les turbines des avions
les torchères des Forges
du dernier haut-fourneau

Où sont passés les moineaux
de Bruant de Renaud
le Renaud d’avant son mal de gorge
Quand quelques pioupious jetés
sur un trottoir mouillé
faisaient des doubles-croches
entre les rails du métro
Où sont passés les moineaux ?

Y a plus que des cacas de chiens des nids de poules
Des boîtes de Coca des merdes de pitbulls
des coqs de drapeau et des cages à perruches
et des Gilles de Binche en plumes d’autruche

Où sont passés les moineaux
Les petits romanos
maraudeurs de la Place de l’Horloge
qui rabattaient les badauds
autour de mon sac à dos
quand j’ grattais à la cloche
pour un clop ou un Pernod

Qui sautillaient sur ma manche
pour mendier le dimanche
la mie des pistolets des brioches
qui disputaient pour du faux
les fontaines aux chevaux
et leur quatre heures aux mioches
Où sont passés les moineaux ?

Ont-ils trompé les chasseurs ?
Enfin trouvé l’âme sœur
déposé leurs valoches ?
Ou fini comme des ortolans
rongés sous un drap blanc
le cul dans une broche ?

Sont-Ils partis vers le Sud
merde à la pluie et puis zut !
comme les Belges les Angloches
Ou disparus en mer du Nord
sur les Côtes d’Armor
mazoutés dans la boue noire des roches
Où sont passés les moineaux ?

Y a plus que des corbeaux gras des pies voleuses
des pigeons gavés de vieilles frites graisseuses
Plus que des charognards d’hérissons d’autoroute
Qui bouffent un chat crevé comme casse-croûte

Où sont passés les moineaux
J’arrête-là le phono
Ce mélo mélancolique liste
Ou on va tous se jeter dans le canal
s’achever au Gardénal
et voter socialiste

Moi j‘ me fous des moineaux
comme des singes bonobos
Mais ce soir je l’avoue, je suis triste
Si tout file au caniveau
les amours les oiseaux
A quoi bon faire l’artiste ?

Ben…

Il restera les images et les mots
Sur une photo de Doisneau
un gamin court après les moineaux

(Paroles : Claude Semal
Musique : Claude Semal )