Chez nous

Chez nous, toutes les fanfares sont royales
Les vendeurs de bidets, fournisseurs de la Cour
Tous les Saints ont leur hôpital
Et chaque Jacques Brel son chagrin d’amour
Chez nous, la rivière est un canal
Les gondoles ont des têtes de magasin
En automne on attend le carnaval
Ou un gouvernement avant l’été prochain

Chez nous, tout est surréaliste
Excepté l’art la peinture la poésie
Chez nous, le cinéma est triste
Mais la politique est une comédie
Chez nous, y a de l’imbécillité
Et du génie dans tous les bavardages
Plus on parle de mobilité
Plus on se fait chier dans les embouteillages

Chez nous, des terrils pour montagnes
Chez nous, des pavés sous la plage
Des autoroutes éclairées dans la campagne
Et des chevaux morts dans les charbonnages
Chez nous personne ne parle sans accent
C’est peut-être pour ça que plus personne ne se comprend
Chez nous on dit « oufti !» on dit « tof ! »
On dit « Inchallah ! » ou « Mazel-tov ! »

Chez nous l’éducation sexuelle
C’est les frites et les moules XXL
Chez nous, les concours d’éloquence
C’est devant le bar avec trois bières d’avance
Chez nous, les courses cyclistes
C’est un aller-retour ou des tours de piste
Chez nous, la Place de la Concorde
C’est le tracé de Bruxelles Hal Vilvorde

Chez nous, on ne descend dans la rue
Que pour pleurer toutes les causes perdues
Chez nous, on est Iaïque ou prière
De sa première colique jusqu’à la dernière bière
Chez nous, le ciel crache sous lui
et les statues pissent sous elles
Chez nous, le vent vient de la pluie
Mourir sur les trottoirs de Bruxelles

Chez nous, où l’Europe a pu naître
Entre Permeke, Ensor, Magritte et Rops
Chacun digère son propre vinaigre
Roulé sur lui comme un rollmops
Chez nous chacun doit choisir son camp
Son particule, sa linguistique
Chez nous, chacun est Wallon ou Flamand
Par le sol ou par la statistique

Chez nous, la langue est une politique
Où chaque zinneke, maquillé en pitbull,
Ira souffler dans le cul des moustiques
En jurant qu’il fait voler des libellules
Chez nous, le fascisme a des relents
Chez nous, l’amnésie est une opinion
A quoi bon amnistier leurs parents
S’il faut remettre leurs enfants en prison

Moi qui suis de la langue française
Un peu bilingue, puisque né dans le tram
Si je dois chanter un jour la Marseillaise
Je resterai Tartine et Boterham
Bâtard et toujours fier de l’être
Depuis le Camp de Zottegem
Le dernier Belge signe cette lettre
Vive les Wallons, Leve de Vlamingen !

Chez nous, toutes les fanfares sont royales
Les vendeurs de bidets, fournisseurs de la Cour
Tous les Saints ont leur hôpital
Et chaque Jacques Brel son chagrin d’amour

(Paroles et musique : Claude SEMAL)