(Les) Cheveux noirs

Elle avait de longs cheveux
noirs
comme les plumes
du soir
Quand elle riait sous la douche
à plein doigts par les cheveux
il apprivoisait sa bouche
et ses yeux

Il aimait glisser les ,lèvres
sous la ligne de ses joues
pour dénicher l'alouette
de son cou
Elle aimait glisser son peigne
dans la buée des miroirs
dans le halo des enseignes
dans le noir

Un soir en entrant chez elle
comme ils marchaient dans la rue
tête-à-tête pêle-mêle
il a vu
C'était peut-être un dimanche
entre la tête et le cou
une tâche de peau blanche
comme un trou

Ils ont couru n'importe où
pour cacher ce peu de peau
dans un foulard une coiffe
un chapeau
C'était peut-être en semaine
ses cheveux dans le béret
restaient collés à la laine
par paquet

J'aurais tant voulu dit-elle
ne pas te montrer cela
que je reste à jamais belle
dans tes bras
J'aurais tant voulu dit-elle
il lui répondit tais-toi
il y avait des hirondelles
sur les toits

Quand ils n'ont plus su que dire
tristes à couper au couteau
ils ont pleuré l'un dans l'autre
sans un mot
Le lendemain toute seule
elle arracha ses cheveux
Le lendemain toute chauve
comme un vieux

Il allait parfois la voir
Hôpital de Bobigny
elle n'ouvrait plus son peignoir
même à lui
Elle avait son foulard
comme un crâne de bébé
comme un ventre de canard
nouveau-né

J'aimerais être un menteur
mais j'ai lu ces mots fragiles
dans le courrier des lecteurs
du Libé dix-sept avril

(Paroles : Claude SEMAL
Musique :
Reprise sur le disque : CD Les Marcheurs).